Face aux tarifs douaniers de Trump, Trudeau jette les gants

Le premier ministre du Canada s’est emporté contre le président des États-Unis, qualifiant la décision de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers sur les produits canadiens de « vraiment stupide » et l’accusant de vouloir « faire [s’]écrouler l’économie » du Canada en vue de l’annexer.

Quelques jours avant de quitter son poste, c’est un Justin Trudeau incisif, à la parole plus libérée, qui est apparu mardi pour rassurer les Canadiens et répondre à la décision du président américain Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations provenant du Canada.

Le premier ministre du Canada s’est adressé, tour à tour, aux Américains et aux Canadiens, mais aussi au président Trump lui-même, qualifiant sa décision de lancer une guerre commerciale contre son plus grand allié de vraiment stupide.

Donald, même si tu es un homme très intelligent […] c’est vraiment stupide ce que tu fais, a lancé Justin Trudeau en reprenant le titre d’un éditorial publié par le journal américain The Wall Street Journal.

Après avoir soufflé le chaud et le froid pendant des mois, l’administration Trump a finalement imposé des tarifs douaniers de 25 % à tous les produits importés du Canada et du Mexique ainsi que des droits de douane de 10 % aux produits chinois.

Cette mesure devait initialement entrer en vigueur le 4 février, mais elle a été repoussée jusqu’au 4 mars à la suite d’un appel téléphonique entre M. Trudeau et M. Trump au cours duquel le premier ministre canadien s’était engagé à renforcer encore plus la frontière pour lutter contre le trafic de fentanyl vers les États-Unis, comme l’avait requis le président américain.

Suivez les derniers développements de ce conflit commercial avec notre couverture en direct.Les deux hommes en conférence de presse à la Maison-Blanche.

Le président américain Donald Trump, accompagné de son secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, au moment de confirmer l’entrée en vigueur de tarifs douaniers de 25 % sur les importations canadiennes et mexicaines, le 3 mars 2025.

M. Trump accuse souvent le Canada de ne pas en faire assez pour mettre fin au trafic d’opioïdes, même si les autorités canadiennes ont multiplié les initiatives en ce sens au cours des derniers mois, avec notamment la présentation d’un plan frontalier de 1,3 milliard de dollars et la nomination d’un commissaire à la lutte contre le fentanyl.

Les autorités canadiennes répètent d’ailleurs que la quantité de fentanyl interceptée aux postes frontaliers ne représente qu’une fraction (moins de 1 %) des saisies de cette drogue effectuées aux États-Unis.Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d'un point de presse le 4 mars 2025 à Ottawa.

Tarifs de Trump : « c’est une chose très stupide à faire »

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d’un point de presse le 4 mars 2025 à Ottawa.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Mardi matin, le secrétaire au Commerce américain, Howard Lutnick, est même allé jusqu’à dire que les tarifs imposés par l’administration Trump font partie des efforts des États-Unis pour lutter contre le narcotrafic. Ce n’est pas une guerre commerciale, mais une guerre contre la drogue, a-t-il lancé sur la chaîne américaine CNBC.

Les Canadiens n’ont pas agi sérieusement jusqu’à présent pour arrêter le trafic de fentanyl, a ajouté, un peu plus tard, le vice-président américain, J.D. Vance.Mélanie Joly, Justin Trudeau, Dominic LeBlanc et David McGuinty en conférence de presse.

Le premier ministre Justin Trudeau réagit aux tarifs douaniers imposés par les États-Unis, aux côtés de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, du ministre des Finances, Dominic LeBlanc, et du ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, mardi.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

C’est complètement faux!, a rétorqué M. Trudeau en conférence de presse, rappelant par ailleurs toutes les mesures adoptées récemment par son gouvernement pour lutter contre ce fléau, y compris la désignation de sept cartels de la drogue comme étant des organisations terroristes.

Selon le premier ministre, l’un des objectifs du président Trump est de mettre le Canada à genoux économiquement dans le but ultime de l’annexer aux États-Unis, comme il a menacé de le faire à maintes reprises.

La seule clarté [qu’offre M. Trump] c’est son but de faire écrouler l’économie canadienne pour ensuite pouvoir parler d’annexion. C’est ce qu’il veut.Une citation deJustin Trudeau, premier ministre du Canada

Depuis son retour à la Maison-Blanche, le président américain menace régulièrement la souveraineté du Canada, répétant sa volonté de faire du pays le 51e État américain et parlant de M. Trudeau comme d’un gouverneur.

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M. Trudeau a aussi affirmé que son gouvernement allait déposer une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour dénoncer la violation par les États-Unis de l’accord de libre-échange qui avait été signé entre Washington, Ottawa et Mexico en 2018, lors du premier mandat de Donald Trump.

De nouvelles négociations avec Washington?

Lorsqu’on lui a demandé si le Canada serait prêt à rouvrir cette entente en vue d’une renégociation avec les États-Unis, M. Trudeau a dit qu’il était toujours ouvert à cela, en dépit de la situation de si mauvaise foi dans laquelle on se trouve maintenant, tout en affirmant que cette idée n’avait de toute façon pas été soulevée par les Américains.

M. Trudeau a également dit avoir tenté de parler au président américain au cours des derniers jours. J’espère lui parler bientôt, je suis toujours ouvert, a-t-il encore dit.

Comme promis, le gouvernement du Canada a riposté aux tarifs douaniers de Donald Trump avec une première série de contre-tarifs de 25 % sur des produits américains d’une valeur de 30 milliards de dollars. D’autres mesures de représailles sont prévues dans 21 jours alors que le Canada compte imposer une nouvelle série de contre-tarifs sur 125 milliards de dollars de produits importés des États-Unis.

Ottawa dit cibler avant tout des biens pour lesquels les consommateurs canadiens ont des solutions de rechange, affirmant que ces contre-tarifs resteront en place tant que les mesures injustifiées des États-Unis ne seront pas levées.

Voici les principaux éléments de la liste de produits américains visés par les contre-tarifs canadiens :

  • Produits d’épicerie : viande et volailles, produits laitiers et œufs, fruits et légumes, thé et café, épices, céréales, huiles et graisses, sucre, pâtes alimentaires et aliments préparés
  • Produits à vente contrôlée : tabac, vins et alcools, armes à feu
  • Mode : produits de beauté et hygiéniques, textiles et vêtements
  • Construction et intérieur : bois et produits du papier, objets ménagers, électroménagers et meubles
  • Autres : produits en plastique, pneus, valises

Plusieurs provinces, dont le Québec et l’Ontario, ont par ailleurs annoncé avoir cessé de vendre les bouteilles de boissons alcoolisées provenant du sud de la frontière.

Trump menace encore

Dans un message publié sur son réseau social Truth Social, le président Trump a directement mis en garde le Canada, affirmant qu’il envisage d’imposer de nouveaux tarifs en réponse aux contre-tarifs canadiens.

Veuillez expliquer au gouverneur Trudeau, du Canada, que lorsqu’il imposera des tarifs de rétorsion aux États-Unis, nos tarifs réciproques augmenteront immédiatement de manière équivalente!Une citation deDonald Trump, président des États-Unis

Un peu plus tôt, il a écrit tout en majuscule que si les compagnies [canadiennes] déménageaient aux États-Unis, elles n’auraient pas de tarifs!!!.

Les tarifs américains risquent d’entraîner la perte de centaines de milliers d’emplois au Canada.

Dans les dernières semaines, l’idée d’ouvrir des bureaux au sud de la frontière a traversé l’esprit de certaines entreprises canadiennes.

Par exemple, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, une entreprise a récemment accéléré ses démarches afin d’ouvrir un bureau aux États-Unis.

Un phénomène similaire a aussi été vu en Ontario alors que des entreprises manufacturières qui exportent de grandes quantités de produits aux États-Unis ont élaboré des plans d’urgence.

Dans sa conférence de presse, M. Trudeau a toutefois tenu à souligner l’incroyable solidarité dont ont fait preuve les Canadiens face aux menaces de M. Trump.Des whiskys américains sur une étagère de la SAQ.

Les alcools américains, dont les whiskys, disparaîtront des tablettes de la Société des alcools du Québec (SAQ).

Le premier ministre, qui a d’ailleurs rencontré plus tard dans la journée ses homologues des provinces et des territoires, a réaffirmé sa volonté de faire tomber les barrières tarifaires pancanadiennes, tout en assurant sa détermination à garder le Canada uni dans sa riposte contre les États-Unis.

À la question de savoir si Ottawa envisage d’imposer des taxes sur l’exportation de l’énergie vers le Sud, une mesure à laquelle s’oppose vivement l’Alberta, M. Trudeau a dit qu’il ne laisserait pas une province ou un secteur porter le fardeau de la riposte.

Quant aux mesures d’aide que le gouvernement fédéral prévoit de mettre en œuvre pour aider les travailleurs et les entreprises les plus touchées par les tarifs de M. Trump, M. Trudeau n’a pas révélé beaucoup de détails. Il s’est contenté de dire que son gouvernement allait rendre le système d’assurance-emploi plus souple, mais que sa priorité est de mettre fin à cette guerre commerciale le plus vite possible afin de limiter ses effets sur l’économie canadienne.

Une crise à « ne pas comparer avec la pandémie »

Un peu plus tôt, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Steven MacKinnon, a indiqué que l’aide que fournira le gouvernement aux entreprises et aux travailleurs touchés ne sera pas de la même ampleur que l’aide fournie lors de la pandémie de la COVID-19.

Le fait est que, aussi grave que soit la situation actuelle, ce n’est pas [comparable] à la pandémie, a-t-il dit. La pandémie a essentiellement paralysé l’économie du jour au lendemain, alors que les impacts des [tarifs] prendront plus de temps à se faire sentir. Nous aurons donc des mesures adaptées à la situation à laquelle nous sommes confrontés.

Mercredi, la cheffe de la diplomatie canadienne, Mélanie Joly, doit s’entretenir avec son homologue américain Marco Rubio.

En entrevue à ICI RDI, la ministre des Affaires étrangères a dit avoir une grande préoccupation par rapport à l’état de la démocratie aux États-Unis, qualifiant l’administration de Donald Trump de chaotique.

L’annonce sur les tarifs américains a également fait réagir les partis d’opposition à Ottawa.M. Poilievre s'adressant à des journalistes.

Le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, lors d’un point de presse à Ottawa, réagissant aux tarifs douaniers imposés par Donald Trump au Canada, mardi.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, s’en est à la fois pris au président Trump et au bilan du gouvernement libéral, l’accusant d’avoir fragilisé l’économie avant même l’imposition des tarifs américains.

Il a également accusé les libéraux de ne pas avoir agi plus tôt alors que le président américain menace d’imposer ces droits de douane ridicules et injustifiés depuis des mois.

M. Poilievre a aussi renouvelé sa proposition de baisser les impôts sur le travail, sur l’investissement, sur l’énergie et la construction de logementsCela va neutraliser les effets des tarifs américains, selon lui, et ramener la souveraineté économique chez nous.

M. Poilievre a aussi relancé son plaidoyer en faveur de la construction de nouveaux pipelines au Canada afin de diversifier les marchés pétroliers et gaziers du Canada. Il faut donner le feu vert pour le projet de GNL Québec, a-t-il encore dit.

Il a également appelé le premier ministre à rouvrir le Parlement dont les travaux ont été suspendus jusqu’au 24 mars, le temps que le Parti libéral du Canada choisisse un successeur à Justin Trudeau, qui a annoncé sa démission début janvier. La course à la chefferie du PLC doit s’achever le 9 mars.M. Singh se dirigeant vers un point de presse à Ottawa.

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, appelle le premier ministre Justin Trudeau à relancer les travaux parlementaires pour faire passer des « mesures d’urgence » face aux tarifs américains, le 4 mars 2025.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a lui aussi appelé M. Trudeau à relancer les travaux parlementaires afin de faire passer des mesures d’urgence pour venir en aide aux travailleurs qui seront touchés par les tarifs américains.

C’est probablement la pire attaque économique contre notre pays et les répercussions pourraient être dévastatrices, a dit M. Singh en point de presse. C’est pourquoi je demande une réunion d’urgence du Parlement. Ce à quoi nous assistons est pire que la pandémie et le sera probablement encore plus.

M. Singh, qui a déchiré son entente avec le gouvernement libéral en septembre dernier, a juré, tout comme les autres chefs des partis d’opposition, de faire tomber le gouvernement dès la reprise des travaux afin de provoquer des élections, à la première occasion. Le chef du NPD a toutefois laissé entendre que sa priorité en ce moment était la protection des travailleurs.

Dans une guerre commerciale, ma priorité, ce sont les travailleurs, a-t-il insisté. Il y aura des élections après cela.

Contrairement à ses collègues conservateurs et néo-démocrates, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, estime pour sa part qu’il n’est pas nécessaire de rouvrir le Parlement pour venir en aide aux Canadiens touchés. Pour déployer un programme de prêts au bénéfice des entreprises […] ou améliorer le programme d’assurance-emploi, on n’a pas besoin de rappeler le Parlement, a-t-il dit en conférence de presse.

M. Blanchet, qui qualifie la crise de très grave, a ajouté qu’il cherchait surtout à s’assurer que les secteurs économiques qui sont propres au Québec et [convoités] par le prédateur américain ne seront pas sacrifiés pour protéger l’automobile de l’Ontario ou le pétrole de l’Ouest.

Article de Rania Massoud, Radio-Canada, Face aux tarifs douaniers de Trump, Trudeau jette les gants | Radio-Canada

Marie-France Daoust

Marie-France Daoust is Director of Corporate Affairs at the Société de développement économique du Saint-Laurent (Sodes). With more than 15 years’ experience in entrepreneurship, 10 years in strategic management within the Quebec government and 5 years in public and government affairs, she stands out for her leadership and ability to bring people together. In her role, she is responsible for developing business growth strategy, forging strategic partnerships, and mobilizing maritime organizations around today’s major issues.

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