La dernière année et demie a apporté son lot de bonnes nouvelles pour Chantier Davie. Avant que les premiers boulons soient posés sur les premiers morceaux de coque des brise-glaces pour la Garde côtière canadienne (GCC), la région connaîtra un nouveau souffle qui apportera aussi son lot de défis.
En avril 2023, l’inclusion de Davie dans la Stratégie nationale de construction navale (SNCN) et l’acquisition du chantier Helsinki Shipyard en Finlande ont parti le bal. Plus récemment, les premiers contrats de conception de brise-glaces et la signature du ICE Pact s’ajoutaient à ces bonnes nouvelles.
Du travail pour plusieurs années
Selon Davie, la SNCN garantira du travail dans la région jusqu’à 2040, et même plus, grâce à la construction de six brise-glaces de programme et d’un brise-glaces polaire pour la GCC, ainsi que celle de deux traversiers pour les îles de l’Est canadien. Le premier de ces deux navires remplacera le Madeleine, qui relie l’Île-du-Prince-Édouard aux Îles-de-la-Madeleine.

L’ICE Pact (pour Icebreaker Collaboration Effort), c’est l’entente de collaboration tripartite entre les États-Unis, la Finlande et le Canada afin d’accélérer la construction de brise-glaces pour assurer la protection des zones arctiques. Éventuellement, Davie devra ouvrir ou acquérir un chantier naval aux États-Unis.

Tout récemment a eu lieu l’annonce de la demande de renseignements par le gouvernement canadien pour l’acquisition d’une flotte allant jusqu’à 12 sous-marins. Ils ne seront pas construits par Davie, mais la possibilité de la mise en place d’un centre d’entretien au Québec a fait surface.

Pour le PDG de Naval Québec, Pierre Drapeau, tous ces développements sont annonciateurs d’une nouvelle économie. «Quand le fédéral a mis en place la SNCN, en 2011, il y a des entreprises navales en Finlande et dans d’autres pays qui ont ouvert des bureaux à Vancouver et à Halifax. Ça a amené plusieurs emplois. Et on ne parle pas juste d’emplois bien rémunérés, mais super bien rémunérés», dit-il, en prédisant que la même chose arrivera dans la région.
Collaboration intermunicipale
Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, avance régulièrement que ces contrats amèneront jusqu’à presque 5000 nouveaux emplois, directs et indirects, d’ici 20 ans. De plus, Chantier Davie apportera du travail à 1500 fournisseurs.
La municipalité de la Rive-Sud a récemment signé une entente avec les villes de Saguenay et de Sorel-Tracy afin de créer un «triangle de la construction navale», pour reprendre l’expression du maire Lehouillier. Ce dernier, comme plusieurs acteurs de l’industrie, souhaite que le Québec soit un leader canadien, voire nord-américain, dans la construction navale.
«Il me semble qu’il y aurait un potentiel de développement régional extraordinaire en créant ces pôles-là», a-t-il lancé lors de l’annonce de l’entente. Il fait un parallèle avec l’industrie aérospatiale dans la région de Montréal.
«Davie représente 50 % de toute la capacité de construction navale au Canada. […] Imaginez ce qui peut arriver quand on parle de 12 milliards $ de contrats, de 4700 emplois qui seront créés et maintenus et de 21 milliards $ de retombées dans l’économie canadienne, et que chaque dollar dépensé dans la construction navale génère deux autres dollars dans l’économie régionale.»— Gilles Lehouillier, maire de Lévis
Il y voit également une occasion pour les entreprises des régions visées de s’automatiser.
Modernisation du chantier naval
Le chantier de Lévis a besoin d’amour. Le projet de modernisation, qui a valu à Davie un prêt de 840 millions $ de la part du gouvernement du Québec, devrait commencer au courant de 2025 et durer deux ans. Le choix de l’entrepreneur devrait se faire d’ici la fin de 2024. La construction des premiers navires commencera aussitôt le chantier modernisé.
L’accès au chantier et la circulation routière dans le quartier Lauzon feront également partie des défis.
«Si on commence à avoir du transport de marchandises par camions… C’est un petit quartier… Il faudra revoir les trajets des camions et même ceux des employés. Et aussi, on ne pourra pas loger tous ces employés dans le quartier Lauzon», répond Marie-Josée Morency, PDG de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lévis (CCIGL), lorsqu’interrogée à ce sujet. «On m’a assurée du côté de la Davie qu’ils y ont pensé.»
Il faudra penser à loger ces nouveaux travailleurs, qui proviendront notamment des efforts de recrutement à l’international en cours, rappelle-t-elle.
Une ouverture jamais vue
Toutefois, Mme Morency souligne que Davie fait preuve d’ouverture avec la communauté d’affaires depuis qu’Inocea et James Davies ont fait l’acquisition de l’entreprise.
«Ce n’était pas pareil, auparavant. Ils travaillent beaucoup avec le milieu et ils cherchent juste à collaborer», exprime la PDG de la CCIGL. «Ils font de la recherche et développement avec les gens de l’Université du Québec à Rimouski. C’est un beau signal qu’ils lancent dans la communauté.»
Elle ajoute que Davie a changé son approche et sa façon de faire avec les entreprises locales. «Avant, on ne les voyait pas dans le milieu. Ils ont commencé à s’intéresser à leur chambre de commerce et au milieu. C’est là que l’association [maintenant Naval Québec] est née.»
NAVAL OU MARITIME?
On a tendance à mélanger les deux termes, mais il existerait vraiment une différence entre naval et maritime.
Selon ce qu’il a été possible d’apprendre lors de la mission économique de Naval Québec en Finlande en mai 2024, le premier mot fait référence à la construction des navires et à toute sa chaîne d’approvisionnement. Les chantiers navals et leurs grands fournisseurs en font partie.
Quant à maritime, ce terme renvoie à tout ce qui concerne la navigation, le transport sur l’eau des personnes ou du cargo, la manutention des marchandises. On peut donc y inclure les armateurs, les ports, les sociétés d’arrimage, etc.
Article de Paul-Robert Raymond, Le Soleil, Un souffle renouvelé pour la région